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Taire son cœur

par Thierry Magnier

« Il sismographie seulement son œuvre complète : dessinant sans relâche la bande dessinée de sa vie, l’électrocardiogramme de ses sentiments »

Claude Roy

D’un trait il nous bouleverse.
Ligne de vie, ligne de chance.
Modèle des paysages traçants comme il les voit.
Des éclairs trépidants, failles en creux et relief, des monts en feu, des icebergs en partance, des nuages annonçant la révolte et le combat, ocre et bleu translucide,
Il fait exister le divin celui qui déciderait, celui qui, par son pouvoir, nous ferait croire que rien ne pourrait exister sans lui, faux c’est lui qui nous fait décider de tout.
Renter dans un univers, le sien mais aussi le nôtre, il y a là quelque chose d’universel, la vie dans toute son énergie, la fureur d’un combat qui semble être celui qui va se perdre, une promenade tonitruante faite d’éclats et de rebondissements, de calme bouillonnant et de risques à en perdre haleine, le risque est là.

Regarder ses images parfois saisit et brûle, entre feu et glace : une vie trépidante, on sent très vite toutes ces failles qui nous transpercent, ces traits qui coupent les dessins, ces traits qui séparent l’eau du ciel : un horizon lointain, proche, ou souvent inaccessible, ces rayures provoquent des orages qui claquent, des orages multiples, quitte à casser un cœur fragile, tout est dans ses images.
Un cœur fragile, un cœur à prendre, un cœur battant.
Ce cœur si fragile, qui un jour nous lâche et qui nous fait comprendre qu’il est grand temps de prendre le temps, de laisser du temps au temps. Ses traits cassants comme des bris de glace, de miroirs reflétant une vie trépidante, une vie trop bien remplie, sa vie, puis comme un moment calme après la tempête ses lignes redeviennent lignes droites, un repos puis un nouveau départ.
Un silence… Ses photos sont des silences, les sons, nous les fabriquons, les façonnons, tout est sérénité, fragilité et puis calme. On s’arrête à regarder nos mains, les mains traçantes, vieillissantes, tachées, marquées par l’âge, au creux desquelles les lignes nous donnent notre dessein.